TRAJETS DE LA PSYCHANALYSE EN CHINE
INTRODUCTION
OLIVIER DOUVILLE
La psychanalyse a-t-elle, comme la philosophie, quelque chose à gagner (du côté de ce qui la fonde) ou à perdre (du côté de ses illusions) à passer par la Chine ? C’est probable. C’est, en tout cas, un pari qui fut tenté au double risque parfois qu’un tel passage n’entraîne notre bonne vielle psychanalyse à la française, dans la dilution, où à l’inverse à s’attendre à l’y retrouver toute intacte comme si elle était déjà attendue en l’état. De cette interrogation, il est juste d’attendre des retours sur notre propre rapport à la psychanalyse, en tant que théorie de l’énonciation, plus encore en tant que pensée du sujet et théorie de l’acte.
D’un autre côté la modernité chinoise crée une nouvelle dynamique dans le rapport du sujet à sa souffrance psychique qui le pousse sinon à déserter les consultations traditionnelles dévolues au soin des blessures de l’âme [1], du moins à les compléter par des demandes d’écoute dans des lieux où émergent la singularité d’une demande. La Chine consomme de grandes variations de dispositifs psychothérapeutiques. Les cures psychanalytiques sont rares, souvent elles se font par skype, et la psychanalyse n’est pas encore entrée dans les centres étatiques de soins psychiatriques [2]. La place de l’adresse à un écoutant « psy » dans la société chinoise actuelle, provient du fait qu’un accentuation tout à fait nouvelle se porte sur le possible espoir que le facteur « psy » soit pris en compte dans la reconnaissance des difficultés d’ajustement du sujet aux idéaux anciens et aux contraintes modernes. La prise en compte d’un sujet habité sinon par un conflit psychologique du moins par une densité psychologique en souffrance provient de la déritualisation du monde et d’une ouverture des subjectivités à ce que l’avenir peut avoir de peu programmable et d’inédit. L’autonomie subie plus que désirée de l’individu va de pair avec une élévation du niveau économique et l’apparition d’une classe « moyenne » où se répand ce sentiment d’une autonomie individuelle.
[1] les temples taoîstes qu soignent les dépressions et les angoisses dans des rituels de purifications collectives accueillent de plus en plus de demandes de soin que ce soit en Chine Populaire ou à Taiwan
[2] au grand regret de certains éminents psychiatres chinois dont mon ami le Professeur Meng, à Canton, qui me fit l’amitié de m’inviter dans son service psychiatrique, surpeuplé, il était heureux de recruter quelques psychologies habiles à faire passer le teste du Rorschach, dans la tradition phénoménologique, ce qui constituait pour lui une porte d’entrée pour la pensée phénoménologique et psychanalytique.